20 juin 2008

Sweet & tender casual...My soul!


« La simple évocation de cette marque me remémore d’interminables rixes en territoire ennemi » (Phil-London)

Inconnus au bataillon…ou presque! Ils sont ceux qui, pour la première fois, accordent violence et culte de l’apparence vestimentaire dans l’expression la plus obsessionnelle du genre. Cours de rattrapage: flash-back dans la Perfide d’Albion au début des 80’s, les gradins des stades anglais, encore et toujours sous l’emprise des sacro-saints battles du dimanche, voient apparaître ce qui deviendra l’un des mouvements les plus incompris et controversés qui soit: obsédés par les sapes, fins «connoisseurs » des techniques de confection vestimentaire, du laboratoire de fabrication aux terraces, boulimiques de musique, d’aggro, de shopping, amoureux de leur firm, les « Clobbers » Britanniques célèbrent aujourd’hui 30 années de rixes et de culture casual! Immersion…

« Une rumeur faisait état d’un gigantesque Adidas Center dans Paris, soldant quantité de modèles absolument introuvables à Liverpool. Le lendemain matin, les jeunes scouses avaient tout dévalisé, le magasin avait lui du fermer ses portes » Paul Hooton -SSC-

A l’heure où les librairies en ligne regorgent d’ouvrages consacrés aux différents mouvements de subcultures apparût depuis les psychés sixties, on peut largement s’interroger sur le sens donné au mouvement Casual par les nombreux « observateurs » du monde footballistique! Rien de surprenant jusqu’ici à ce qu’un mouvement d’origine adolescente et ouvrière soit considéré comme vide de sens pour qui n‘en partage pas la définition. Pourtant les choses tendent à changer. Auteurs des brillants « Casuals » et « Congratulations », Phil Tornton (ex MIB) et Dan Rivers (ex Aberdeen Soccer Casuals) ont décidés, en enfonçant la porte de leur éditeur, d’apporter un peu de lumière à ce qui est en passe de devenir le plus important phénomène underground de tous les temps...

Car un nombre croissant de voix s’élève aujourd’hui pour souligner que l’envergure prise par le mouvement ne peut rester ignorée plus longtemps, dans un pays où chaque région constate jour après jour l’impact prise par le phénomène sur les moeurs vestimentaires et musicales de la jeunesse anglaise.

Pour Stuart Cosgrove, producteur de télé et fan dévoué du Chelsea FC, les Casuals restent la perle cachée des subcultures issues du way of life britannique: « Haïs sans que personne n’ait cherché à les connaître; les fans de football rangés ressentent leur violence, les sociologues ne voient rien de pertinent à étudier chez eux, les marques de vêtements qu’ils adulent se passeraient volontiers de la publicité indirecte qui leur ait faite. » Contrairement aux punks ou aux skinheads, l’essence de la culture Casual ne repose sur aucune théorie ni idéologie, les esprits académiques ne voient rien à aimer ou à dénoncer chez eux! Paolo Hewitt, ancien journaliste au NME, biographe du groupe Oasis et auteur de « The Fashion of Football», vide son sac: «Je suis malade de constater qu’il est encore impossible de trouver le moindre paragraphe faisant référence aux Clobbers dans les livres de mode anglaise. Le paradoxe autour des Casuals?? Bien que représentant l’un des plus vastes mouvement underground ayant jamais existé, le phénomène reste largement inexploré par les médias du fait de sa genèse dans les gradins des stades de football, le plus souvent associé au hooliganisme dans la plus simple expression du terme, tout ceci étant beaucoup moins porteur qu’écrire au sujet des étoiles montantes des universités d’art du pays! »

« Les gens ne savent pas qui sont, et que font réellement les Casuals. Mais ils savent qu’ils sont nés sur les bords de la Mersey! » Paolo Hewitt

Le mouvement prend racine à la fin des années 70’s, quand les déplacements internationaux du Liverpool FC, alors au sommet de son épopée européenne, étaient accompagnés de véritables raz de marées de fans envahissant les plus grandes villes du continent, Paris, Rome, Madrid…[Bruxelles], régalant à des wagons de lads la liberté d'organiser des ateliers shopping d'un genre nouveau et au goût certain, dans des centres commerciaux regorgeant de marques introuvables en angleterre! Les grandes marques de sport & leisurewear européennes déchaînent subitement l’enthousiasme de la jeunesse du Merseyside, revenant de ses déplacements les bras plus chargés au retour qu’à l’allée! Une nouvelle « youth culture » est née…

Rapidement, les travées d’Anfield se transforment en meeting vestimentaire rassemblant des centaines de prolétaires blancs arborant les pièces de sportswear soigneusement rapportés de leurs «excursions» étrangères. D’abord intrigués, puis fascinés, les milliers de fans visiteurs de passage à Anfield Road s’emparent spontanément du phénomène, le propageant à une vitesse fulgurante aux 4 coins du Royaume-Uni!

A l’instar de chaque mouvement né avant ou depuis lors, c’est dans le choix d’une culture vestimentaire précise que la scène Casual sors lentement de son berceau. « Jamais aucun magasine de fashion ne leur a accordé une page » se rappel Peter Hooton, ancien manager du groupe The Farm. « J’avais soumis au début des années 80’s une pièce intéressante au magasine The Face à propos des Casuals, mais ils ont aussitôt rejeté l’article arguant qu’il n’y avait rien d’intéressant à cela. Principalement un problème d’attitude, beaucoup trop d‘arrogance... Comme si des jeunes arpentant massivement les gradins des stades de football n’avaient pas le droit d‘organiser leur vie dans la quête du look ultime!»

Avec l’arrivée des vestes en tweed, tennis distinguées et pulls en cashmere empruntés à la mode des terrains de cricket, le style casual emboîte le pas aux changements de saisons, et le moindre déplacement de Coupe d’Europe devient synonyme de course effrénée à travers les rayons des boutiques branchées.

«Le conservatisme, terreau fertile de rébellion »

Sur les cendres du conservatisme ambiant, les Casuals anglais formentent une nouvelle révolution vestimentaire, aujourd’hui exporté et « dupliquée » (tant bien que mal) aux 4 coins du vieux-continent. « L’angleterre a une longue, riche et importante histoire de mode, étroitement liée à son passé textile », explique Christopher Bailey, le directeur artistique de Burberry. « Elle est aussi très profondément rattachée à une combinaison assez rare de traditions et de valeurs conservatrices qui incitent le développement permanents de subcultures, contestant le système des classes sociales. Enfin, ce pays a une véritable tradition dans la musique, l’art et le design vestimentaire. Lorsque tous ces univers se confrontent, il se produit de véritables clash qui donnent jour à des mouvements nouveaux et foncièrement différents . » C’était notamment le cas des Mods, mouvement de néo-dandy apparu à la fin des années 60, incarnant le véritable esprit du Swinging London. Opposés aux « Trads » (Traditionalists) et aux « Teds » (Teddy-Boys), ils privilégient tout ce qui vient d’Europe, au détriment des produits anglais décrétés sans style. Leur succèderont les Casuals, derniers nés parmi les obsédés du chiffon, dont le mouvement tire son inspiration bien plus de l’univers narcotique des « northern town » du Royaume-Uni, que du glam et du marketing policé de la capitale...

« Les vêtements que vous portez, c’est le premier message que vous envoyez. » G. Yurkievitch

Contrairement à une idée encore largement répandu dans l’hexagone, les Casuals ne sont pas tous adeptes de la violence totale, le mobile « number one » reste et restera une adoration sans limites du football, des vêtements et de la musique. Le choix d’un appareil vestimentaire discret et soigné, lui, n’est pas né d’un quelconque souci d’invisibilité à l‘égard des spotters. Bien au contraire, c‘est en cherchant à devenir invisibles que les Casuals donnèrent naissance à un mouvement massif et transparent. Ils cherchent, au contraire, à épater leur semblables et à impressionner les firmes adverses, en dénichant sans cesse de nouvelles pièces, sans limites d’investigations, leur permettant de conserver une longueur d’avance, protégeant quasi-religieusement des regards indiscrets la provenance de leur dernière trouvaille! Exit donc les fakes, et autres uniformes « Burberry-Stone Island », totalement hors-sujet!

« Tenue de Soirée et Post-Punk exigés! »

Rose Marie Bravo, directrice commerciale de Burberry UK, déplore dans une interview datée de 2006, que « l’adoption généralisée de sa marque par les « chavs » (prolétaires blancs) du Royaume-Uni, n’est probablement pas étrangère aux mauvaises performances de l’enseigne sur le marché anglais »…Mais bien que dénonçant par voie de presse le tord pouvant être causé à leur image, les managers « victimes » de l’addiction dévorante suscité par leurs labels, surfent discrètement sur un juteux marché de millions de pounds…à grands coups de marketing vestimentaire et de reconfiguration des sports shop du Royaume-Uni! En 2005, Stone Island créait la sensation en invitant plusieurs firmes anglaises, parmi lesquelles la Plymouth Football Intelligence, à venir visiter bureaux, show-rooms et laboratoires de la célèbre marque Italienne.

A peine suffisant…la boulimie qui aimante les Clobbers de sa majesté aux grandes marques de sport wear européennes emmènera Puma, Adidas, Fila ou Tacchini à s’engouffrer sur la brèche du « back in the 80’s » en (ré)actualisant quantités de stuffs à l’origine d’un contagieux revival, par l’intermédiaire de pièces historiques comme les Adidas Stan Smiths, Puma G Vilas, Fila Bjorn Borg ou autres Diadora Elite Re-Issues…

La question reste aujourd’hui entière à propos des labels sélectionnés par les Casuals. Certains observateurs ont essayés d’interpréter l’adoption quasi systématique de marques «upper-class » telles burberry, Pringle, Aquascutum, comme un reflex d’inspiration sociale. Une théorie largement réfuté par Phil Thornton (Casuals), considérant que « la plupart des Casuals sont insensibles aux notions de hiérarchies de classes. Préférant expliquer le phénomène, par le simple feeling que va provoquer la vision d’une pièce belle de part sa qualité textile et son message visuel. « Les jeunes Clobbers s’habillent de manière à se sentir un peu spéciaux aux yeux des autres fans, normal! » C’est justement ici, que la culture Casual devint globale! Le grand débarquement s’effectue tout d’abord en Belgique à l’aube des 90’s, repris dans la foulée par les autres nations d‘Europe du Nord, Allemagne, Hollande, Suisse, Danemark. Chacune déclinant l’esprit du mouvement autour de ses propres visions…Il n’est d’ailleurs pas improbable de souligner que la diffusion internationale de quelques projets cinématographiques marchant avec plus ou moins d’habilité sur les traces du mouvement Anglo-Saxon, n’ait pas joué un rôle déterminant dans la contamination de localités jusque là restés aveugles au phénomène.

West-Ham Inter-City Firm, Liverpool Soccer Scouses, Aberdeen Soccer Casuals, Manchester Red Army…toutes les firms à l’origine de la propagation de la culture Casual ont su mettre à profit les déplacements européens de leurs clubs respectifs pour organiser, au début des 80’s, de véritables « shopping excursions », leur permettant de liquider des portes monnaie remplis de la récompense du travail au noir, à la poursuite de vêtements de rêves... En toute logique, les marques canalisant les attentions de cette époque étaient internationales. Mais si aujourd’hui certains gradins, comme ceux d’Ecosse et du Nord d‘Angleterre, semblent tout particulièrement ressembler à de véritables meetings du « revival 80’s », les lads du royaume s’adonnent à brocanter au fil des saisons dans les rayons de marques beaucoup moins visibles, moins diffusées, moins accessibles, replaçant au cœur des esprits l‘essence individuelle, unique, quasi-élitiste, d’une culture déjà trentenaire! ..