06 septembre 2008

Avant-Pendant-Après: Gomorra, Napoli 1926, Curva A & Teppismo.


Naples, troisième ville Italienne où vivent près d’1 400 000 habitants aux abords du Vésuve. Naples et sa baie faisant la joie des touristes, Naples et ses quartiers reculés où il ne fait pas toujours bon trainer, ou encore Naples et la forte culture identitaire caractérisant bien ses habitants. Enfin, Naples et son club de football le SC Napoli fondé en 1926.

A Naples le mouvement ultrà s’implante discrètement au début des années 70’s avec l’arrivée des « Ultras » et « Commandos » . Les 2 groupes, inexpérimentés, peinent à rassembler les masses de « scunizzi » (gamins "pur terroir") arpentant les travées gigantesques du stade San Paolo. Ils décident finalement de fusionner entre eux en 1982 sous l’impulsion de Gennaro Montuori, aka Palummella, personnage unique, père fondateur du supporterisme Napolitain. Sous son impulsion voit le jour le Commando Ultrà Curva B. Très vite Palumella marque le groupe de son empreinte.

Le virage B devient un virage festif, coloré, non-violent. En outre le CUCB choisit d’intégrer la puissante « Associazione Napoli Club » , devenant lui-même par le fait un Club de supporters reconnu par la direction du Napoli, et travaillant en symbiose avec elle. Dans le jargon cette démarche est appelé une position filo-sociétaire. Mois après mois le Commando Ultra grandit pour finalement atteindre le chiffre impressionnant de 7000 membres cartés, il anime sa propre émission de télé, et crée un mensuel appelé « Ultr’Azzurro ». Vendu chaque mois à plus de 20 000 exemplaires le magazine s’impose comme l’organe officiel du supporterisme Napolitain. Jusqu’au début des années 90’s le CUCB de Palumella, avec ses drapeaux gigantesques, ses voiles géantes et ses milliers de fans s’amassant derrière la bâche du groupe, fait l’histoire du San Paolo, et ce sans contestation.

Au même moment émerge peu à peu dans l’autre virage, la Curva A, une autre catégorie d’ultras Napolitains. Plus agés, extrèment revendicatifs et bélliqueux, autonomes vis-à-vis de la direction du Club. Au fil des années ils donneront naissance à plusieurs groupes tels que Teste Matte 87, Masseria, Mastiffs, Vecchi Lions, Noi del Nord, Quartiere Spagnolo, Nucleo ('93), Old Clan 91, South Boys, Cobra, Wanted, Brigata Carolina et Skizzati.

Les groupes du Virage A imposent progressivement une identité nouvelle au style ultrà Napolitain, et voient leurs troupes de militants grossir à vue d’œil. « Cohérence et Exigence » sont choisies comme valeurs fondatrices des groupes. A l’extérieur du stade comme en déplacement les affrontement deviennent systématiques avec supporters adverses et forces de l’ordre. Les antagonismes et les divergences entre Curva A et B vont crescendo, d’ailleurs Palumella se voit contraint dans le courant des années 90’s d’évoluer entouré de son propre service de sécurité.

En 98’ Angelo Pompameo, secrétaire général du Commando Ultrà et bras droit du président est violemment agressé dans l’enceinte même du stade. Toujours dans les années 90’s les affrontements sont de plus en plus nombreux et de plus en plus violents avec les principales tifoserie rivales. A commencer par la Salernitana, distante de seulement 40 kms. Les matchs permettant aux fans de la Curva A de se mesurer à ceux de Vérone, Lazio et Roma, Atalanta et Brescia, Avellino, Bari, Fiorentina, Cagliari, Milan et Inter ou encore Reggina sont la plus part du temps dignes de scènes de micros-guérilla urbaines. A l’issu de la saison 99/00 qui voyait le SC Napoli rétrogradé en Série B après un an de parcours dans la division reine, pas moins de 17 déplacements fûrent émaillés d’incidents plus ou moins graves en marge des rencontres disputés par le club bleu azur.

Depuis une poignée d’année la rivalité explose avec les fans de la Salernitana, tifoseria de longue tradition et elle aussi dotée de nombreux effectifs, dans le cadre du derby Parténope qui n’avait plus lieu depuis de longs moments. En 2002, en réponse à un avant-match houleux où plusieurs supporters Salernitani seront conduis à l’hôpital suite à des agissements napolitains douteux, sans parler de tags offensant la mémoire de supporters Salernitani décédés en 99 sur la route de Piacenza, une délégation de Salerne s’invite par surprise et pénètre violemment dans le local d'un groupe Napolitain bien connu. Quelques semaines plus tard les leaders ultrà Montuori et Ciccarelli seront amenés à présenter leurs excuses.

En 2003 lors du derby voyant Naples se rendre à Avellino, ville de taille moyenne située dans l’arrière pays local, des échauffourées éclatent entre fans des 2 camps et Sergio P, jeune tifoso, fait une chute gravissime en tentant d’échapper à une violente charge policière. Inanimé, gisant à terre, les forces de l’ordre empêchent pourtant la moindre intervention des secours à destination du jeune homme agonisant. S’en suivront des épisodes d’une violence telle que les carabiniers seront contraints de sortir intégralement du stade afin de se protéger. Les images de ces évènements feront le tour de la planète.

En Sardaigne toujours en 2004, le « derby » contre Cagliari se joue sur terrain neutre dans l’arrière pays Sarde. Non contents d’avoir à effectuer la traversée d’une mer et d’une île toute entière, les fans Parténopes trouvent en supplément le moyen de saccager plusieurs petits villages de Sardaigne sur leur passage, et d’arriver à destination avant leurs rivaux de Cagliari. Ces derniers devront répondre à des charges d’individus... cachés derrières des bosquets à proximité du stade…

Mais c’est avec les clubs de Rome que la rivalité est la plus vivace. Une rivalité de longue date faite de coups tordus, d’affaires particulières et de moqueries incessantes, rendant suffocante l’atmosphère de la moindre rencontre entre la cité Parténope et la capitale. Lors de la plus part de ces oppositions, les alentours de l’Olimpico prennent des allures de « fin du monde » selon les récits des 2 bords.

En Curva B, à quelques mètres du Commando Ultrà, le groupe « Fedayn » s’affirme comme la première force ultra à Naples, rassemblant notamment quelques unes des têtes les plus réputés de la scène du San Paolo. Le discours du groupe est clairement différent de celui du CUCB, pour ne pas dire à des années lumières. Hautement respectés en Italie, fidèles aux anciennes dogmes du monde ultrà et allergiques aux phénomènes de mode, les Fedayn sont à l’origine d’une philosophie ultrà locale baptisée « EAM », autrement dit « Étrangers à la Masse ». En de nombreuses reprises les groupes du Virage A demanderont aux Fedayn, notamment par banderoles interposées, de venir les rejoindre dans l’autre virage.

Ces même Fedayn sont à l’origine du déclanchement d’un mouvement de contestation tranchant à l’encontre de Ferlaino l'ancien président du club, accusé depuis décembre 98 de faible attachement au maillot et de gestion frauduleuse du SC Napoli. S’en suivront plus de 5 années de pied de guerre contre la direction avec le boycott’ des campagnes d’abonnement, la non-exposition des bâches des groupes et l’arrêt total des chants pendant les rencontres, ou encore des manifestations sans précédents dans les rues de Naples. Pour la peine, le Commando Ultrà pourtant fidèle aux décisions sociétaires s’unira également aux cotés des autres groupes.

Au niveau chorégraphique, l’ensemble Parténope ne semble jamais avoir fait du domaine en question une priorité. Le CUCB était dans les années 90 dépositaire d’un certain nombre de belles prestations réalisées principalement à base de voiles géantes, de pots de fumée multicolores ou de feuilles. La Curva A quand à elle exprime fréquemment sa passion assez exclusive pour les « torciata » (rangées de torches). Outre la grande pèriode de gèle du "sostegno" Napolitain sous l'ère Ferlaino, le stade San Paolo est en revanche une vraie « bombonnera » pour qui s’y rend en visiteur, et les déplacements du SC Napoli sont systématiquement synonymes de marées humaines remarquables envahissant les villes adverses.


Jusqu’à la saison 2004/2005 prenaient place dans la partie supérieure du Virage A les « Vecchi Lions », forts d’environ 250 unités, très présents en déplacement. A leur flanc au centre se positionnaient les Teste Matte 87, représentant la frange la plus extrême du supporterisme Napolitain, avec un noyau de 300 unités d’environ 25 ans de moyenne d’age. Les membres des Teste Matte proviennent essentiellement du « Quartier Espagnol » de Naples. Pour intégrer ce noyau un jeune doit "semble t'il" vaillamment prendre part à 6 mois d’affrontements dans la rue, avant que les plus agés statuent de son acceptation. Oui nous sommes concrètement à des années lumières des travées françaises! Le groupe arbore divers slogans sans équivoque possible comme « Nient’ Incontri Solo Scontri » (« Pas de rencontres amicales, juste des affrontements»), ou « Prima Durante Dopo » (Avant Pendant Après). Les Mastiffs, né en 91 et forts de 800 unités, incarnent la relève du mouvement Napolitain en A avec des éléments plus jeunes encadrés par des leaders historiques. Les Mastiffs sont très présents dans les affrontements et toujours à la recherche du prochain « foutage de merde ». A leur gauche enfin prenaient place les « Masseria », un groupe d’action d’environ 80 unités, plus agés.

A noter que tous ces groupes ne produisaient pas, ou infiniment peu, de matériel. A noter également que dans un souci d’esthétisme ils avaient convenus depuis le début des années 2000 de peindre chaque bâche et chaque étendart avec une police d’écriture similaire.
Depuis 5 ans un vaste projet unitaire à permis à l’ensemble des groupes de la Curva A, dans un but d’efficacité et d’homogénéité, de se regrouper derrière une seule et même appellation, le « Napoli 1926 ». Projet auquel seuls les Teste Matte n’ont pas voulus prendre part, ces derniers se trouvent dorénavant en tribune latérale.

Les groupes Napolitains sont apolitiques, fonctionnent en vase clos et sont très durs à approcher. Aucun courant politique majeur n’est exprimé, même si les groupes de la Curva B pencheraient à gauche, et ceux de la A à droite. Un jumelage les lia dans les années 70’s aux ultras de l’AS Roma, dans les années 80’s à ceux de l’Empoli, enfin depuis lors naquit un jumelage solide avec les ultras du Genoa.

Les groupes Italiens parlent d’une tifoseria hautement passionée et dangereuse, très performante vocalement, originale et doté d’un potentiel énorme au sein de ses travées. Après des années de contestation dure et de soucis judiciaires accrus, les groupes Napolitains ont clairement repris force et vigueur. En atteste les évènements du dernier Roma/Napoli.





I.L Nov Langue: Effectuer un travail de recherche, de compréhension et d'analyse sur le système Parténope n'est pas chose facile. Comme beaucoup le savent certaines tifoserie demeurrent assez perméables, d'autres non...et celle-ci en fait parti. Si toutefois certains ajouts, précisions ou rectifications devaient êtres pris en compte, merci aux personnes éclairées de nous transmettre ceci par mail.